Elle soutient les droits des LGBTQ, refuse de collaborer avec les labels et admire ceux qui brisent les codes – rencontre avec Madison Beer. Madison Beer a de très bons goûts musicaux. Sur sa playlist, on trouve des géantes de la pop comme Billie Eilish et Ariana Grande, les stars masculines du moments (J Balvin et Blueface) et, à notre grande surprise, les rappeurs britanniques Giggs et Octavian. “J’adore le grime, le garage et le rap britannique, explique la chanteuse de 20 ans originaire de Long Island. J’ai plein d’amis au Royaume-Uni et j’adore Londres. L’énergie est dingue là-bas et je suis fan de l’argot du coin”, affirme-t-elle avant d’ajouter qu’elle a adoré tous les “fuck alls” de Rocketman, le biopic sur Elton John qu’elle a vu récemment. Madison est non seulement anglophile – elle a collaboré avec les artistes britanniques les plus connues, de Charli XCX à Raye et, évidemment, Jax Jones et Martin Solveig sur leur hit All Day and Night – mais elle a aussi choisi un management britannique. First Acces appartient à la célèbre avocate et manager Sarah Stennett que Madison trouve “vraiment ouf”. Je cherchais quelqu’un qui comprenne le côté émotionnel de [la musique] et ce que j’ai vécu jusqu’à présent.” On découvre la Londonienne en elle pendant notre shoot photo quand un homme furieux nous insulte pour avoir osé prendre des photos sous sa fenêtre et sort un pistolet à eau pour arroser le matériel de notre photographe. Si elle n’est pas aussi violente que lui, Madison n’hésite pas à lui dire ce qu’elle en pense. “Je suis désolée de m’être emportée, dit-elle plus tard. Je comprends juste pas qu’on soit aussi impoli sans raison !” Le shoot est plus humide que prévu, mais l’ambiance est à la fête : Madison a collaboré avec ASOS pour créer sa propre sélection. Elle a pu découvrir toutes nos pièces pour l’AH19 et passé plusieurs semaines à composer des looks qui lui correspondent vraiment. “C’est 100% moi, parce qu’on pourrait les porter sur scène et que les pièces sont presque toutes coordonnées, ce que j’aime.”, dit-elle. Je voulais des looks confortables, casual et cute, mais aussi stylés.” Elle admet être du genre relax “90% du temps”, mais elle sait aussi se mettre sur son 31 et opte pour des talons pour les dernières photos de la journée. C’est une période faste pour Madison. En plus de cette collaboration avec ASOS, elle prépare un nouvel album, son premier en solo qu’elle décrit comme “de la pop R&B alternative”. Elle me fait écouter quelques morceaux pleins d’esprit et parfaitement écrits. Avec Blue, elle prouve qu’elle sait quand couler une relation toxique – “quand mon maquillage coule aussi” – tandis que Barbie Generation prouve un recul indéniable. Repérée par Bieber sur YouTube à tout juste 13 ans, Madison a refusé les offres de nombreux labels pour rester indépendante. Elle sait clairement ce qu’elle veut – et ne veut pas – et il est évident qu’elle n’a pas peur de relever les défis. “J’espère que les gens vont comprendre l’album et ce que j’ai essayé de faire, dit-elle. J’espère que les gens l’aimeront. Que j’aurai plus de fans. Qu’il sera en haut des charts. Je sais pas, dit-elle en riant. Je suis juste pleine d’espoir !” AVANT DE PARLER DE L’AVENIR : C’ÉTAIT COMMENT DE GRANDIR À LONG ISLAND ? “J’ai eu une enfance normale : je suis partie en colo et tout ça. Mes parents ont divorcé quand j’avais six ans et à partir de là j’ai bougé d’un coin à l’autre de Long Island. J’ai posté ma première vidéo sur Youtube [une reprise de At Last de Elta James] à 12 ans donc j’étais encore enfant quand j’ai été découverte. Mais je chante depuis toujours, j’ai toujours été dans des pièces de théâtre ou des comédies musicales, et j’ai toujours su que je voulais en faire mon métier.” QU’EST-CE QUI TE PLAISAIT TANT DANS LA MUSIQUE ? “Je crois que ça m’offrait un exutoire. Je trouve que la musique exprime des choses que les mots ne peuvent dire.” TU AS ÉTÉ MARQUÉE PAR LE DIVORCE DE TES PARENTS ? “Je suis sûre que ça m’a marquée, mais je n’ai pas d’exemple précis. Je ne crois pas que leur divorce m’ait vraiment perturbée. Les choses ne survivent pas toujours et ça a été le cas pour leur mariage. Voir mes parents tomber amoureux d’autres personnes et des trucs du genre…. J’ai plutôt bien pris leur divorce. J’ai un petit frère donc j’essaie de toujours rester forte devant lui.” ÇA N’A PAS DÛ ÊTRE FACILE DE DEVENIR CÉLÈBRE SI JEUNE. “Je sais que les gens ne comprendront jamais vraiment ma manière de penser. Je passe mon temps à faire attention à tout ce que je fais, et je suis tout le temps parano quand on me filme ou des du genre. C’est pas évident, mais je me suis endurcie. Je pense que je suis très mature. J’ai l’impression d’avoir 30 ans dans un corps de femme de 20 ans, mais je me trouve aussi détendue que d’autres gamines… Je sur-analyse tout et j’aime aller à la racine des problèmes. Je suis attirée par la psychologie donc j’essaye de m’analyser et comprendre pourquoi je m’énerve ou pourquoi je suis jalouse de certaines choses. J’essaie de comprendre d’où ça vient.” QUELLE EST LA LEÇON LA PLUS UTILE QUE TU AIES APPRISE ? “De ne pas être si dure avec moi-même.” LES FEMMES SONT PARFOIS TRÈS DURES AVEC ELLES-MÊMES… “Je pense que c’est pas non plus facile d’être un homme, mais les femmes sont soumises à de nombreux standards de beauté. Je me souviens d’une interview d’un groupe de filles en mode : “Est-ce que vous commanderiez un cheeseburger pour une première date ?” Et elles ont toutes répondu: “Non !” C’est idiot, mais c’est un problème de société.” ET TOI, TU COMMANDERAIS UN CHEESEBURGER ? “Carrément ! Je commanderais ce que je veux et j’essaie de faire passer le message à mes fans. Si un mec ne veut pas de qui tu es, il n’est pas pour toi. Je me souviens d’une soirée quand j’avais 13 ans et j’ai dit que je voulais un morceau de pizza. Mes amies étaient là : “Tu mangerais de la pizza devant les mecs ?” Ça m’a vraiment marquée parce que je ne pensais qu’on pouvait me juger sur mon alimentation. Ou qu’on pouvait juger les gens sur leur sexualité, sur leurs origines… J’ai pas été élevée comme ça.” TON GRAND-PÈRE EST GAY… “Il s’est marié et a eu trois enfants. Ma grand-mère était ultra-compréhensive et tolérante, elle l’a vraiment aidé. Il s’est marié à un homme et il est très heureux. Je pense que c’est un message important parce que c’est triste de se dire qu’un homme a passé 50 ans à vivre une vie qui ne lui correspondait pas. Je veux en parler pour que mes fans osent être qui ils sont vraiment.” ÇA A DÛ ÊTRE TRÈS DUR POUR LUI… “On a la chance de vivre à une époque bien plus ouverte où les gens sont plus tolérants et c’est parce qu’on échange plus. Mais ils peuvent aussi être butés. Un ami a posté une photo de ma meilleure amie et moi en train de s’embrasser. J’ai dit que j’étais bi, mais mon amie a un copain et tout le monde était en mode : “Elles font juste les chaudes pour la photo.” Ça m’énerve parce que c’est rétrograde. Au contraire, je veux montrer que c’est normal d’embrasser ses amies, ou amis, en public. On devrait pouvoir faire ce qu’on veut. Notre société a beaucoup progressé, et notamment en ce qui concerne les droits des LGBT, mais y’a encore beaucoup de boulot.” QUE NOUS RÉVÈLE TON PREMIER ALBUM ? “Ça fait tellement longtemps que j’ai envie de m’exprimer. Il était temps. Quand tu as plein de followers, on peut vite mal interpréter les choses. Les gens pense que rien d’autre ne compte pour moi. Donc la chanson Dear Society, par exemple, explique que l’estime de soi ne doit pas reposer sur le nombre de likes ou de followers. C’est vraiment nocif. Pas mal de chansons parlent aussi de savoir s’amuser et d’autres sont beaucoup plus personnelles.” TOI QUI AS DES MILLIONS DE FOLLOWERS, COMMENT PENSES-TU QU’ON DEVRAIT GÉRER L’IMPACT DES RÉSEAUX SOCIAUX SUR L’ÉQUILIBRE PSYCHOLOGIQUE DES GENS ? “J’ai rencontré [des personnes chez] Instagram et ils travaillent sur de véritables changements qui vont bientôt être mis en place. Mais j’ai vu tellement de gens qui attachent toute leur estime de soi [à Instagram]. Je suis peut-être devenue insensible. Je supprime Instagram une fois par mois pour me déconnecter un peu, me recentrer sur moi-même. Je dis à tout le monde de vérifier le temps qu’ils passent chaque jour sur leurs téléphones – certains hallucinent en réalisant qu’ils ont passé 5 heures sur Instagram. Il faut prendre conscience du temps passé sur les réseaux sociaux et de ce qu’on y regarde, parce que c’est facile de se comparer à d’autres. Je regarde des vidéos de filles qui remplissent des stades, ou dont les vidéos ont des millions de vues, et je me compare à elles. Je dois me rappeler que d’autres filles font la même chose avec moi. C’est un jeux dangereux. Ça n’en vaut tellement pas la peine. Sérieux, si je pouvais me passer d’Instagram, je le ferais.” JE PENSE QU’ON EST NOMBREUX À PENSER LA MÊME CHOSE. “Je le supprimerais tout de suite si ça ne m’offrait pas une telle plateforme pour faire passer un message positif, m’amuser et être moi-même.” QU’EST-CE QUE TU AS APPRIS EN TRAVAILLANT SUR CET ALBUM ? “Je n’avais jamais autant évolué que cette année. J’ai beaucoup appris parce que je me suis autorisée à apprendre. Quand j’étais ado, je trouvais des prétextes pour ne rien faire, mais aujourd’hui je veux prendre des responsabilités. Je veux rester fidèle à moi-même et continuer à progresser.” QUI EST LA PERSONNE LA PLUS STYLÉE SELON TOI ? “Rihanna. Elle a le meilleur style du monde. Juste dingue. Elle pourrait porter un sac poubelle et ça serait cool. Ce que j’aime surtout, c’est son assurance.” TES CHAUSSURES PRÉFÉRÉES ? “Baskets et Dr. Marens sans hésiter.” DES FAUX PAS VESTIMENTAIRES ? “Tellement. Toute ma vie en gros. Je peux pas regarder ma première vidéo. Sérieusement, ça me rend malade.” DES CODES FASHION QUE TU VEUX BRISER ? “Les codes de genre. J’adore m’habiller comme un mec, ça me fait marrer. Et j’adore les mecs qui n’ont pas peur de porter une jupe. Respect. Ça montre qu’ils sont à l’aise avec leur masculinité. Qu’est-ce qu’on en a à foutre qu’ils portent des jupes ?” TU ÉTAIS DU GENRE SÉRIEUSE À L’ÉCOLE OU PLUTÔT REBELLE ? “J’étais plutôt sérieuse à l’école, mais rebelle en colo. Je me suis faite virer un été parce que j’avais pris un canoë pour aller sur le lac la nuit. Et j’ai essayé d’aller dans le camp des garçons. [rires]” TU ES DU GENRE À PRENDRE DES RISQUES ? “Carrément. Je suis toujours du genre aventurière. Mes amis disent toujours qu’ils ne savent jamais où ils vont finir si ils partent en voiture avec moi ! Je veux toujours essayer de nouvelles choses, et j’ai conscience que la vie est courte et précieuse. Autant se marrer et faire ce qu’on veut tant qu’on peut.” SI TU ÉTAIS PRÉSIDENTE POUR LA JOURNÉE, TU CHANGERAIS QUOI ? “Je légaliserais l’avortement. Partout. C’est de la folie furieuse ce qui se passe en ce moment, j’ai l’impression de vire au Moyen Âge. Je garantirais l’égalité des droits. Je changerais la façon dont la viande est produite. Y’a plein d’endroits aux Etat-Unis où les animaux sont torturés avant d’être tués pour être mangés. Je ne suis ni vegan ni végétarienne et je n’ai aucun problème avec le fait de manger de la viande, mais c’est la façon de le faire. Pareil pour les tests sur les animaux et je ne porte que de la fausse fourrure.” QUELLE EST LA QUESTION QU’ON TE POSE LE PLUS SOUVENT ? “On me parle tout le temps de Justin Bieber. C’est dingue que tu l’aies pas fait !” QUEL EST LE CHANGEMENT LE PLUS IMPORTANT QUE TU AIES RÉALISÉ DANS TA VIE ? “Être indépendante. Je suis beaucoup plus forte que je sais ce que je veux. Ça m’a permis de suivre mon inspiration et d’être super créative, et d’imposer mes choix. Je contrôle tout ce que je fais. Personne ne décide à ma place. Je suis impliquée dans tout.” Le premier album de Madison sort cet automne. |